« Long live the TV ! » A propos des séries historiques britanniques, 3e partie

 

Pour continuer notre tour d’horizon des séries historiques britanniques (ou, j’insiste, sur l’histoire de l’Angleterre), je vais me diriger du côté des États-Unis, avec le série Reign.

Créée par Laurie McCarthy et Stéphanie Sengupta et diffusée à partir de 2013 sur la chaine The CW, Reign a duré quatre saisons (d’une vingtaine d’épisodes chacune). La série s’inspire très librement (très très librement) de la vie de Marie Stuart, reine d’Écosse de 1542 à 1567, et reine de France de 1559 à 1560, après son mariage avec François II, et se déroule entre trois pays : la France, l’Angleterre et l’Écosse. Le tournage a cependant eu lieu principalement à Toronto (question de prix !) et en Irlande (au Château d’Ashford).

Reign évoque donc la vie de Marie (Adelaide Kane), promise à François II (Toby Regbo), avec lequel elle sera mariée très peu de temps, car le jeune roi ne règnera qu’un an et demi avant sa mort, dans la série à l’âge de 20 ans (en réalité, à 16 ans).

Les âges ne sont pas les seuls éléments qui ne sont pas respectés dans cette série qui est plus un soap opéra, vaguement fantastique, qu’une série historique à proprement parlé. Il est néanmoins amusant et divertissant de repérer les évènements historiques/politiques/religieux, qui sont utilisés comme leviers pour relancer les histoires de cœur des personnages. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : l’amour, le sexe et les manipulations en tout genre sont au centre des épisodes, même si les personnages étant des rois, reines, princes et princesses, doivent aussi gérer quelques crises politiques !

Très peu réaliste historiquement parlant, Reign a cependant le mérite d’aborder un thème très à la mode en ce moment : le statut des femmes dans la société. En effet, la série montre bien les difficultés rencontrées par les femmes de l’époque, notamment lorsqu’elles accèdent au pouvoir (on retrouvera d’ailleurs ce thème dans Victoria ou encore dans The Crown que j’aborderai bientôt).

Marie est une jeune reine qui doit faire face aux jeux des alliances politiques (raison pour laquelle elle est mariée au roi de France en premier lieu) et à ses nombreux détracteurs. Elle n’est pas chez elle en France et ne peut pas y régner sans François (à sa mort, il est envisagé de la marier au petit frère de celui-ci, Charles, qui devient le roi Charles XI), mais elle n’a pas de légitimité non plus dans son propre pays. Pourtant, elle en est devenue reine a seulement six jours, à la mort de son père, Jacques V d’Écosse.

Dans la série, c’est son demi-frère James qui est régent en Écosse durant son absence (en réalité, c’est un peu plus compliqué que cela), mais, reine catholique dans un pays protestant, elle a bien du mal à retrouver sa place à son retour et à s’imposer face à certains fanatiques protestants comme John Knox (Jonathan Goad). Son second mariage avec un de ses cousins, Henry Stuart, dit Lord Darnley (Will Kemp), lui permet d’asseoir un peu son règne avec un héritier mâle, son fils, Jacques VI d’Écosse, qui règnera aussi sur l’Angleterre et l’Irlande (en tant que Jacques Ier, de 1567 à 1625), même si elle n’est alors pas du tout au bout de ses peines.

Reign est aussi l’histoire d’une rivalité sans borne entre Marie et sa cousine1, Elisabeth, reine d’Angleterre de 1558 à 1603. En effet, toutes deux issues de la lignée des Tudors (encore eux !), elles sont prétendantes au trône à la mort de Marie Tudor et ont chacune des soutiens puissants.

En devenant reine d’Angleterre, Elisabeth (Rachel Skarsten) connait les mêmes difficultés que sa cousine Marie (ce qui est montré principalement dans les saisons 3 et 4) : c’est une femme au pouvoir et beaucoup dans son pays désapprouve une reine protestante. Les coups d’état contre elles sont nombreux, notamment menés par les partisans de Marie Stuart (même sans qu’elle n’intervienne personnellement) et les deux reines sont constamment menacées et montées l’une contre l’autre.

Lorsqu’on connait un minimum l’histoire de Marie Stuart, on sait que les choses ne se sont pas vraiment bien terminées pour elle (Spoiler alert : elle est exécutée après 18 ans de prison par ordre de sa cousine). Cela n’empêche pas d’apprécier la série et le remplissage qu’elle propose avant cet évènement.

Évidemment, on est très loin de la vérité historique, tout est très romancé, et l’intervention du fantastique achève d’enfoncer le clou : le public visé n’est pas vraiment composé d’historiens puristes2 !

Les scénaristes ne se privent pas d’user et d’abuser d’anachronismes ou de transformer la réalité : les costumes (très beaux – à chaque apparition de Marie et sa suite, c’est un défilé de mode), les décors et les lieux, les évènements, sont tous plus ou moins adaptés pour plaire au public, plutôt que pour dépeindre l’époque de manière réaliste. Multipliant à chaque épisode les machinations de Catherine de Médicis (Megan Follows), que l’on adore détester, prête à tout pour que sa lignée (les Valois) règne éternellement sur la France, les complots politiques, les coups bas entre Marie et Elisabeth (aussi peste que Catherine), et les histoires sentimentales de tout le château, la cour de France (puis celles d’Angleterre et d’Écosse) ressemblent certes plus à un épisode de Melrose Place ou de Dallas qu’à un ouvrage d’histoire.

Mon bilan :

Alors pourquoi on regarde ? Malgré les intrigues qui tournent vite en rond et les dénouements tirés par les cheveux, la toile de fond historique est intéressante et plaisante. Les acteurs ne s’en sortent pas si mal, même si chaque épisode est un défilé de mannequins ! De plus, les tours et détours pris par le scénario pour mener à la fin inexorable de l’histoire (qui est respectée, pour le coup), permettent d’humaniser les personnages et de les rendre proches du spectateur. Ainsi, peut-être qu’après avoir vu Reign, certains seront curieux de savoir ce qu’il s’est vraiment passé. Un vrai plaisir coupable, totalement déconseillé pour les exposés sur l’histoire de France, d’Écosse et d’Angleterre !

 


1  Pour ce qui est de l’arbre généalogique, la grand-mère de Marie Stuart, Marguerite Tudor, était une des sœurs d’Henri VIII, père d’Elisabeth. Elles ne sont donc pas cousines germaines, mais cousines car elle possède un ancêtre en commun, ici, les parents d’Henri VIII et de Marguerite Tudor. La principale raison pour laquelle Marie est soutenue pour sa prétention au trône d’Angleterre est la religion d’Elisabeth, car les catholiques souhaitent laisser sur le trône une reine catholique, comme l’était Marie Tudor. Repoussée du testament de son père et emprisonnée par sa demi-sœur, Elisabeth accède néanmoins au trône après la mort de celle-ci. C’est ensuite le fils de Marie Stuart qui règnera sur l’Angleterre à la mort d’Elisabeth, marquant la fin de la lignée des Tudors car ni Marie, ni Elisabeth n’ont eu d’enfant.

2  Sur la chaine The CW, on retrouve des séries comme The Vampire Diaries ou encore Supernatural, le public est donc très ciblé (adolescents, jeunes adultes, public plutôt féminin).

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