Dunkerque, de Christopher Nolan  : Chef d’oeuvre ou échec ?

Dès sa sortie, Dunkerque à longtemps suscité de nombreuses interrogations et critiques.
Avant d’essayer de comprendre pourquoi ce film a pu plaire ou non, penchons nous sur ses conditions de réalisations, assez exceptionnelles.

Christopher Nolan a toujours voulut s’attaquer à l’histoire de Dunkerque depuis sa jeunesse. La principale particularité de Dunkerque  est qu’il a été tourné à même le sable de la plage de Dunkerque, en France, grâce notamment à l’investissement du CNC (Centre national de cinéma et de l’image animée).

Tout le tournage s’est donc déroulé dans le nord de la France, sur les lieux même de la bataille. Cette intense connexion avec les lieux du passé est une des caractéristiques majeures de sa réalisation.

Christopher Nolan a donné de toute sa personne dans la réalisation de son premier film de guerre. En effet, c’est la première fois que le réalisateur se frotte à un film historique, après ses chefs-œuvres de science-fiction comme Inception ou Interstellar, qui sont d’ailleurs dotés d’un scénario beaucoup plus complexe à dénouer.
Pour tourner, Nolan a repris certains de ses acteurs fétiches, comme Tom Hardy, mais a aussi embauché une armée de figurants, plus de 6000 !

Des dialogues presque inexistants

Dunkerque a choqué tout d’abord pour son absence presque totale de dialogues, et le peu de ce qu’ l’on entend n’apporte pas d’informations majeures à l’intrigue. On peut expliquer ce choix notamment par l’inspiration des films muets, que Nolan a tenu à exploiter.
Aucune interprétation ne se hisse au-dessus de l’intrige, et les dialogues sont rares, au point que l’on se dit que le film aurait pu être totalement muet, seulement rythmé par les rafales, les bombes et la musique.

Cette absence de textes s’explique aussi dans son inutilité, tant les images fournies sont déjà dotées d’une intensité hors du commun ; tant par ses paysages splendides, que par ses acteurs livrés sans cesse à eux-mêmes et la mort.

Les images jouent un rôle plus que fondamental dans l’intensité dramatique de l’intrigue, et de ce sauvetage qui n’arrive pas. La scène visuelle la plus réussie n’étant autre que la scène de fin, où un des pilotes, n’ayant plus d’essence pour repartir, reste en suspension dans l’air au dessus de la plage et de l’océan, dont les couleurs scintillent au crépuscule.

Une mise en scène « figée »

Une déception ressentie par certains spectateurs dans ce film provient en grande partie de sa mise en scène. Dunkerque ne se base pas sur les émotions intimes des soldats mais se place dans un point de vu plus externe, et avec une vision générale voir inachevée de cette bataille.

Le spectateur se sent comme une caméra filmant sans encombre, et d’une traite, le déroulement de la bataille. Il s’agit d’une série de répétitions centrées sur des représentants des forces aériennes, maritimes et terrestres anglais ; à la longue, ça en devient pénible, lourd, poussif, alors que « le matériau de base historique constituait une infime partie à exploiter ». On en retire qu’une « impression de grand vide ».

Autre bémol, les troupes ne semblent pas en permanence effrayée par l’arrivée des Allemands. Dans certaines scènes, les soldats sont postés sur le sable, assis, et sans autre grande préoccupation que de regarder calmement la mer. Le seul moment où la panique est totale est le moment où les jeunes soldats se réfugient dans une épave et se font attaquer sans relâche par les tires des troupes ennemies. Un point de vu anglo-saxon

La grosse erreur reprochée au réalisateur reste la focalisation quasi-totale du film sur les troupes anglaises. C’est une histoire française, qui se passe en France, mais où les français sont quasiment absents. Certes, au début du film on voit les Britanniques empêcher les français d’embarquer sur leurs navires à cause de leur nationalité, mais la question s’arrête là. Les troupes françaises étaient pourtant tout aussi présente sur cette plage que celles des anglais. Dunkerque ressort alors comme un film très patriotique. Pourquoi un point de vu aussi radical ?

Une immersion totale

Dunkerque n’est pas un film d’une violence extrême, mais plutôt un thriller. Il provoque un état de stress permanent. Nolan s’explique bien sur ce point :

«  Dunkerque n’est pas un film de guerre. C’est un survival et surtout un film à suspense. C’est bien un film d’une forte intensité, mais il n’a pas besoin de l’aspect sanglant des batailles, déjà très bien retranscrit dans de nombreux films. ».

Pour expliquer cela, on peut noter que la première impression que le spectateur reçoit en visionnant le film, c’est cette immersion totale dans l’univers froid et sanglant dans lequel évoluent les protagonistes, qu’on pourrait presque qualifier de « cauchemardesque ».

Pour définir cette évolution d’ailleurs, on peut parler d’un « un cercle vicieux » omniprésent chez tout les personnages. Les troupes sont bloqués sur la plage, cernées par l’ennemi, et sans cesse mal menée par les bombes. Une suspension dans le temps se fais ressentir, malgré toutes les actions qui se succèdent sans relâchent.

Le deuxième aspect de cette immersion a évoquer, est l’entrée surpuissante que nous propose Nolan dans les esprits des personnages. Le but ultime du film étant de se fondre dans toutes ses âmes exténuées et meurtries par la guerre. Ce qui est le plus flagrant à l’image est ce jeux des regards déroutant entre les soldats ; ses regards remplits de « la peur à l’état brute ».

Un autre point très positif apportant toute sa gravité à cet atmosphère ; la bande son hors du commun que nous propose ici Hans Zimmer, avec lequel Nolan avait déjà travaillé à plusieurs reprises.

L’humain

Une des originalité de Dunkerque repose sur ses différents « angles humains » mis en parallèle tout au long du film. Certes, une seule bataille est évoquée, mais sous plusieurs points de vus : le groupe de jeunes soldats piégés sur le plage, les pilotes de l’air détruisant les avions ennemis, et les marins civils britanniques venant secourir les troupes. Le réalisateur a essayé de fuir la linéarité en entremêlant trois récits qui finissent par se répondre …

Et c’est un risque ! Notamment du point de vue émotionnel, car le spectateur peut se sentir éloigné des principaux personnages, et donc annuler toutes identifications.
Nolan s’est focalisé avec audace et pertinence sur l’aspect du « sentiment de survie ». L’âme humaine semble avoir été étudiée dans tous ses aspects les plus profonds. Rien de plus limpide et effrayant que la mise en scène de « l’instinct de survie » encré en chacun de nous. Le film n’est en aucun cas « héroïque ».

Ce qui est certain, c’est que Dunkerque apparaît comme « un film rupture » du rituel des films de guerre ; souvent basés sur l’horreur humaine. Prononcer le terme de « chef d’oeuvre » est peut-être un peu excessif mais, Dunkerque réussit avec ingéniosité à concilier une intrigue très poussée dans un moment de l’histoire, et qui restera gravé dans nos mémoires.

Un article de Elvia Hodin
Source : www.allociné.fr

Laisse un commentaire grâce à la technologie Facebook :