Cours en ligne : Sémiologie du Cinéma

Discipline, née dans les années 1960, dont l’activité consiste, pour l’analyse du cinéma, dans l’importation et l’exercice des notions et des méthodes de la sémiologie et de la linguistique : code, message, sous-code, énoncé, syntagme, paradigme, signifiant, signifié, articulation, etc.

Les thèses fondamentales de la sémiologie du cinéma s’appuient sur ces constatations :

– Le cinéma n’est pas une langue, pas même un espéranto, dans la mesure où il est multicodique (même si les théories montagistes du cinéma se sont faites sur le modèle d’une syntaxe cinématographique, de même que la codification traditionnelle des mouvements d’appareil).

Il est une sorte de langage, à condition de ne pas s’en tenir à une définition du langage comme « système de signes destinés à la communication » : la signification, la signifiance débordent le domaine du signe et de la communication.

– L’étude du cinéma est concernée par la linguistique à deux moments en droit distincts de sa démarche : en définissant le discours imagé du film par différence avec la langue, en définissant sémiologiquement ce qu’il est.

– Le niveau spécifique de codification que constituent les organisations signifiantes propres au film et communes à tous les films (ou peut dire aussi « le cinéma en tant que tel ») n’a pas de deuxième articulation. Dans l’image cinématographique, le signifiant est dans un rapport de ressemblance à son signifié.

– La notion de langage cinématographique est méthodologique : l’ensemble de tout ce qui est dit dans tous les films, ainsi que toutes les organisations signifiantes qui entrent en jeu dans la compréhension d’un film entier (perceptives, imaginaires, intellectives, iconologiques, idéologiques…), bref « le cinéma dans sa totalité » représente « un phénomène beaucoup plus vaste, à l’intérieur duquel le langage cinématographique ne constitue qu’une couche signifiante parmi d’autres » (Christian Metz).

– Il est impossible de définir l’image comme un mot, la séquence comme une phrase : l’image cinématographique équivaut à une ou plusieurs phrases, et la séquence à un segment complexe de discours. Le cinéma n’obéit pas, sinon par hasard, à la première articulation.

– Le nombre d’images réalisables au cinéma est indéfini. Le plan n’est donc pas comparable au mot d’un lexique, mais plutôt à un énoncé. La paradigmatique du film ne peut donc être que partielle et fragmentaire ; la syntagmatique, en revanche, est au centre de la dimension sémiologique du film : la narrativité filmique s’organise par la contrainte de grandes structures syntagmatiques.

– On peut distinguer, dans la bande-image, des syntagmes a-chronologiques, parallèles ou en accolade, et chronologiques, descriptifs ou narratifs (alternés ou linéaires), voire des articulations plus fines.

La sémiologie du cinéma est une discipline encore jeune, et elle doit à la linguistique autant ses méthodes (commutation, découpage, distinctions sa/sé, substance/forme, pertinent/non-pertinent, etc.) que ses notions (qui ne sont importées qu’avec la plus grande prudence).

Ces quelques principes fondamentaux, et leurs prolongements, sont extrêmement fructueux pour l’analyse des films. Les limites de la sémiologie du cinéma sont celles de son objet même (la signification), elle peut être très utile à la théorie (et même la réconcilier avec la filmologie), à condition que d’autres discours prennent le relais (psychanalyse, sociologie).

Le plus important représentant de la sémiologie du cinéma et son « fondateur » est Christian Metz avec « Essais sur la signification au cinéma » (1968-1972), « Langage et cinéma » (1971) et « L’Énonciation impersonnelle » (1991).

Citons également Umberto Eco, « La Structure absente » (La Struttura assente, 1968) ; P. Wollen, « Signs and Meanings in the Cinema » (1969) ainsi que des écrits de G. Bettetini et E. Garroni.

Les sémiologues actuels du cinéma reconnaissent comme leurs précurseurs Eisenstein et les formalistes russes, « la Revue internationale de filmologie », ainsi que les écrits de Jean Mitry (« Esthétique et psychologie du cinéma », 1963-1965).

Vulgarisation en images :

Christian Metz, “Trucage et cinéma”, 1973 De quoi est fait l’amour du cinéma ?
présenté par Marc Vernet

Marc Vernet est professeur en études cinématographiques à l’université Paris-Diderot et conseiller pour le patrimoine cinématographique de l’Institut national du patrimoine. Il coordonne le programme de recherche ANR Cinémarchives et organise chaque année, fin novembre, le colloque Archimages (BnF, Ina, INP).

Christian Metz a fondé et développé, entre 1965 et 1985, la sémiologie du cinéma. L’article “Trucage et cinéma”, paru dans “Essais sur la signification au cinéma”, permet d’en saisir l’amont et l’aval, les racines linguistiques et les développements psychanalytiques.

Les bouleversements dans les nouveaux médias sont ainsi l’occasion d’en réévaluer aujourd’hui l’héritage.

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