Confinement, un Journal | Jour 9 : Le jour d’après

Conséquence d’une disparition, la fracture s’est installée et le silence étend son voile discret sur l’Amazing Bicoque. Nesquik n’est plus. Comment se reconstruire ? Et puis pourquoi d’ailleurs ?

Ce mercredi 25 mars est passé. Il a fait frais, il a fait beau. Personne ne sort prendre l’air bien entendu. Nous avons décidé de rester ensemble pour traverser cet étrange moment.

Je propose un atelier origami pour créer des formes de cochon d’Inde. Tout commence bien, même Gros Chat Gris fait acte de présence. Puis Lemmy décide de manger les cartons et Tofu n’arrive pas à rester concentré plus de trois minutes. J’abandonne la partie.

Pendant que les enfants retournent à leurs affaires, je fais un peu de rangement. Vider la cage du disparu, enlever sa peau de banane matinale qu’il n’a pas pris ou eu le temps de manger. Ces instants sont une suite de légers serrements de coeur démontrant comme l’animal a habité la maison plutôt deux fois qu’une.

Nouvelle tentative de rassembler tout le monde autour d’un atelier haïkus. Tofu pense qu’il s’agit d’une forme de miaulement pas bien de chez nous, Lemmy se figure un légume encore inconnu.

Je leur explique les dix-sept syllabes, combien cette forme poétique très cadrée est en fait un énorme espace de liberté où ne compte que la transmission d’images et de sensations, de l’évanescence de ce monde, un contexte parfait.

Je les laisse s’installer où ils se sentent le mieux, c’est au bout d’un peu moins d’une heure qu’ils me rendent leur copie.

Une nouvelle fois, nous nous installons ensemble. Me rappelant les vieux exercices d’écriture que je donnais autrefois, je demande à chacun de lire à son tour. 

Lemmy commence : 

Carottes bruyantes
Sur le toit de la maison
Fondent mon coeur.

Nous hochons tous la tête, le message est limpide. Au tour de Tofu : 

Blonde,rousse ambrée
Font virevolter les chansons
Le zinc tremble

Là, c’est beaucoup moins limpide. A moins que Tofu aille picoler à mon insu quand il se balade dans le quartier ? Je suspecte plutôt qu’il ait recopié cela d’internet.

Gros Chat Gris participe à son tour :

Une cage vide
Ne se presse personne
Le poème pâlit.

Nous avons tous les larmes aux yeux, même Lemmy qui tente de les cacher en se lavant les oreilles. Sans le vouloir, nous sommes en train de faire nos adieux à notre petite patate à poils.

On me regarde, à moi de lire le mien. L’heure de lui dire au revoir :

Une cabriole
Un poute et contre tous
Se perd en route

Nous sommes exténués émotionnellement. Je décide d’annuler le concours de charades que j’avais prévu ensuite. 

Je me rends compte que nous cherchons à mettre beaucoup trop de mots sur ces dernières vingt-quatre heures. Il nous faut le temps du repos et d’un certain repli sur nous-mêmes ; tant que nous sommes ensemble tout va bien.

A suivre – Jour 10 : Complots !


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