Confinement, un Journal | Jour 32 : La Table Ronde

Précédemment dans le journal du confinement de l’Amazing Bicoque :

Suite à la crise de la croquette, les combats ont été intenses. La bibliothèque de l’étage et la table de jardin ne s’en sont pas relevés, les dissensions entre Jal et ses enfants, une rupture qui semble aujourd’hui insurmontable.

Et c’est sans compter sur le retour inattendu d’Henriette, la poule qui est en fait un coq, partie voici d’ici dix ans.

Tous les protagonistes de cette histoire sont de nouveau réunis à l’Amazing Bicoque dans le chapitre précédent. Le suspense n’a jamais été aussi haut.

Je remarque que Henriette a peu changé physiquement en dix ans. Je me souviens très bien de cet après-midi où on l’emmena loin de moi, assise, pensive à l’arrière de la fourgonnette d’un brasseur de bière ardéchois. D’ailleurs, ça vit combien de temps un coq ? Je me retiens d’aller chercher l’information dans mon téléphone. Mais bon, restons factuel : Henriette est là, cela ne semble pas très très logique, mais passons. 

Je ne fais pas rentrer l’importante troupe à l’intérieur, trop solennel. D’un autre côté : faute de table de jardin, je me demande bien où l’on va pouvoir s’installer ? Je décide finalement de mettre toutes les chaises disponibles autour de l’enclos, recréant ainsi une copie “mignon jardin de ville ensoleillé” de la table ronde des mythes arthuriens.

A ma droite se tient Tofu. Le chat noir, fils de Manul l’abandonneur, semble peu se soucier de ce qu’il se passe. Suit Freya, la fifille rebelle à son papa qui glisse des regards anxieux à Praline en face d’elle. Cette dernière, chatonne de cinq mois au pelage multicolore toise l’assemblée avec cette morgue dont seule la jeunesse effrontée semble capable. A ses côtés, mon Henriette s’est installée en haut du montant de la chaise, si bien qu’elle domine l’assemblée avec un charisme dont seul les coqs français semblent capables. Je ne peux m’empêcher de remarquer qu’iel semble avoir perdu quelques plumes récemment. Se serait-iel lancé·e dans des combats de coqs clandestins ? Que t’est-il arrivé, mon pauvre Henriette ? 

Finissant ce tour de table, se tient Lemmy, lapin nain de son état, qui, les yeux fixés droits devant lui, et comme à son habitude, semble être en colère pour une raison où une autre. Je remarque à nouveau que mon fils est aussi marqué par un combat récent. Henriette contre Lemmy ? Si tel est le cas, je rêverais qu’un tel affrontement me soit conté en détail.

Sans oublier le chien, une espèce de saucisse, joyeuse sans raison, que l’on me présente sous le nom d’Anubis. Je n’ai aucune idée de ce qu’il fait ici et pourquoi, mais bon, de toute façon, un de plus un de moins, au point où on en est…

Ainsi assemblée, la seconde table ronde de l’Amazing Bicoque est constituée, prête à débattre et résoudre les problèmes collectivement.

Je décide de lancer le premier débat : “Bon, c’est quoi ce bordel ici ?”

Miaulements plaintifs, tapage du pied sur la chaise et battements d’ailes contrariés me répondent. Je prends mon parti de calmer le jeu en pointant l’index vers chacun des animaux présents en essayant de crier plus fort qu’eux tous réunis, leur hurlant qu’ils ne seraient rien sans moi, qu’ils étaient bien contents quand je les ai sortis du ruisseau. 

J’aime à me rappeler à cet instant à quel point j’étais fortiche aux ateliers de communication interpersonnelle non-violente que j’avais suivis cette année. La formatrice m’avait d’ailleurs même dit que je n’avais pas besoin de revenir pour la seconde journée. Je n’avais pas trop écouté ses explications au téléphone, préférant lui expliquer avant de raccrocher à quel point cela me semblait normal, j’avais la diplomatie dans le sang.

Et justement, de mémoire, l’étape suivante pour faire évoluer le dialogue était de trouver quelque attaque personnelle sur le physique de mes opposants. Me préparant à faire un bon gros body shaming à Tofu, un cocorico d’une puissance incroyable coupa net toute activité dans l’assemblée.

“Vous ne comprenez rien, fit Henriette de sa voix de ténor. Tout cela dépasse de loin les petites mesquineries de ce jardin. Vous pensez que le trafic de croquettes existe pour nous enrichir ? Que le confinement se terminera le 11 mai ? Que le danger est cette maladie ? Pauvres fous, que vous êtes naïfs.”

Silence. Mais qu’est-ce qu’iel raconte ?

Comme personne ne semble motivé pour poser de question, Henriette reprend :

“Et si j’affirme tout cela, ce n’est pas pour rien. Je suis Henriette, ambassadeur du peuple Poule opprimé par l’après-COVID, porteur du message de la révolte présente et à venir. Car oui, je connais les vrais dangers qui se tapissent déjà dans votre société en pleine mutation, j’ai vu de mes yeux l’essor de ceux qui étaient autrefois moqués mais qui détiendront dès l’an prochain tout pouvoir. Mes compagnons, si je suis bien né à votre époque, sachez que je reviens aussi du futur”.

A suivre !
Jour 33 : Les Vidéos du Dimanche #5

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